Fantasme : suis-je une lesbienne refoulée ?

Plus de la moitié des femmes hétérosexuelles se disent sexuellement attirées par d’autres femmes, d’après une étude scientifique américaine. Mieux, 45% ont déjà fait un bisou sur la bouche d’une copine ou d’une inconnue… Pourquoi la plupart gardent ce fantasme pour elles ? Comment passe-t-on du rêve érotique à lesbienne, et comment le gérer ? Les réponses d’Alain Héril, sexologue.

Il faut l’admettre, les femmes passent leur temps à se mater entre elles. Les fesses, les seins, les vêtements, les cheveux, tout y passe. Langues de vipère ? Jalouses ? Et si c’était plutôt de l’attirance savamment refoulée et cachée derrière un penchant à la critique facile et une envie de ressembler à la voisine trop bien gaulée ? Mères et épouses rangées, n’avez-vous jamais fantasmé sur une femme ? Vous n’êtes pas la seule…

Selon une enquête rapportée par le Huffington Post américain, un pourcentage significatif de femmes hétérosexuelles éprouvent une attirance sexuelle envers d’autres femmes. En effet, d’après cette étude menée par la Boise State University auprès de 484 femmes hétérosexuelles, il a été révélé que 60% d’entre elles trouvent d’autres femmes sexuellement attrayantes. De plus, la moitié d’entre elles ont déjà fantasmé sur une autre femme. Et 45% ont même déjà échangé un baiser passionné avec une femme.

Ces résultats mettent en évidence un aspect intéressant : l’épanouissement des fantasmes liés à l’homosexualité féminine tend à se développer avec l’âge. Ainsi, il n’y a aucune limite d’âge pour explorer sa propre sexualité, en particulier pour les femmes. Il est important de souligner que la diversité des orientations sexuelles est une réalité complexe et nuancée, et que la sexualité féminine peut évoluer et se révéler au fil du temps.

Homosexualité tardive

Une autre étude réalisée par l’université de l’Utah a révélé un phénomène intéressant chez les femmes mûrissant : elles ont tendance à répondre « non déterminé » lorsqu’on les interroge sur leur sexualité, plutôt que de se définir strictement comme « hétérosexuelles ». La psychologue Lisa Diamond, dans une interview accordée au Daily Mail, explique que cette perception selon laquelle l’orientation sexuelle deviendrait plus claire et mieux définie au fil des années est erronée. En réalité, ses recherches ont démontré que c’est exactement le contraire qui se produit.

Ces découvertes remettent en question les idées préconçues sur la sexualité humaine, en particulier chez les femmes. Elles suggèrent que l’exploration et la compréhension de notre propre sexualité peuvent être un processus continu et évolutif, qui ne se limite pas à une simple catégorisation binaire. Il est essentiel de promouvoir une vision ouverte et inclusive de la diversité sexuelle, afin que chacun puisse s’exprimer librement et sans jugement dans sa quête d’une sexualité épanouissante.

Le sexologue Alain Héril* explique que l’homosexualité tardive émane bien souvent des circonstances de la vie : « Une rencontre, un coup de foudre inattendu, une déception amoureuse qui amène à « se parer » dans les bras d’une femme. Parfois ce sont des événements plus graves comme un viol par exemple. Mais on ne peut mettre de côté le fait que l’on peut découvrir tardivement une tendance lesbienne forte qui avait été refoulée et qui est mise au jour tout à coup à l’occasion d’un événement particulièrement fort. »

Etre lesbienne fait-elle partie de notre nature ?

Force est de constater que beaucoup de ces pensées sexuelles pour le même sexe restent à l’état de fantasme, et pourtant, il n’y a aucune raison de se priver, estime le sexologue : « Ce n’est pas un fantasme qui risque de détruire son psychisme si on passe à l’acte (comme la zoophilie ou l’échangisme par exemple). Tout être humain porte en lui une bisexualité fondamentale et la vivre lorsque l’on en sent l’appel, le désir et l’urgence n’est jamais une mauvaise chose. » Et pourtant le blocage est bel et bien ancré dans la plupart d’entre nous, parce que l’homosexualité « questionne nos systèmes de croyance et ses valeurs ».

Pour celles qui parviendraient à franchir le cap, assumer ses penchants homosexuels pourrait même s’avérer salutaire, pour «mieux se connaître » et faire la paix avec la sexualité. « Chez une autre femme on recherche à la fois du « même », de l’identique. Comme un miroir qui viendrait confirmer et affirmer son féminin. Mais également de la compréhension et une certaine sororité », de là découle souvent une sexualité où les rapports de force n’ont plus lieu d’être…

Lesbienne occasionnelle ou bisexuelle ?

Lesbienne occasionnelle ou bisexuelle, il n’y aurait pas grande différence. « Être bisexuelle, c’est vivre toutes les options sexuelles que notre organisation psychique et notre inconscient nous proposent. Mais cela ne veut pas dire qu’il y a obligation pour tout être humain de le faire ! Chacun(e) doit respecter son écologie personnelle. (…) Vivre sa bisexualité n’a de sens que si on ne bouleverse pas trop son édifice intérieur. Sinon on risque d’en être plus triste qu’autre chose. » Faire l’amour occasionnellement à une femme est une façon de vivre sa bisexualité, explique le sexologue, « mais il y a quasiment toujours une forme de sexualité qui est plus active et plus prégnante que l’autre », précise-t-il.

Peut-on en parler avec son partenaire masculin ?

Épineuse question que chacune devra résoudre seule. Mais attention à ne pas céder à ce qu’Alain Héril nomme la « dictature de la transparence à tous prix » : « Je pense qu’il est bon de garder une part secrète dans son lien conjugal. La tyrannie peut s’installer lorsque tout est révélé, car le désir entre deux individus se nourrit de ce que nous ignorons de l’autre. Lorsqu’une femme hétérosexuelle vit une expérience homosexuelle, cela relève de sa propre personne. C’est une exploration d’une dimension cachée de son être. Que ce soit en faisant son coming out ou non, les femmes peuvent désormais se sentir en confiance pour en discuter avec au moins la moitié de leurs amies, sans les choquer…